Publié le 12/02/2019
Par Rémy Dreano.
Après les taxis, c’est au tour des auto-écoles de subir la réforme des professions réglementées.
A l'initiative de l'intersyndicale de la profession, les professionnels ont lancé hier une opération escargot d’envergure sur le périphérique parisien pour protester contre un projet de réforme qui prévoit de remplacer l’agrément départemental des auto-écoles par un agrément national, lequel favoriserait in fine les plates-formes en ligne, souvent accusées de mettre en péril la formation et la sécurité routière.
Ce n'est pas la première fois que les auto-écoles manifestent contre l’ubérisation rampante de leur profession et, plus précisément, contre la dématérialisation des inscriptions au permis de conduire et contre ces trublions qui cassent les prix. Mais la profession n’a guère les moyens de s’opposer, manquant de soutien dans l’opinion publique.
Que s'est-il passé ?
Depuis 2015, la réforme Macron du permis de conduire a ouvert la voie à de nouveaux acteurs qui proposent une formation au permis de conduire en partie dématérialisée (site en ligne, application mobile).
Comme prévu, ces derniers n'ont pas tardé à casser les prix avec des tarifs deux moins élevés que les auto-écoles traditionnelles (750 € pour le forfait code + 20 heures de conduite contre 1.700€ en moyenne dans les auto-écoles traditionnelles).
Pour autant, le business model de ces nouveaux opérateurs n'est pas gagné d'avance, comme le montre la liquidation judiciaire récente de Permis Go 2 (100% en ligne). Outre l'obtention de l’agrément préfectoral, tout le monde est soumis au respect de la réglementation en vigueur. Sur ce point, les auto-écoles traditionnelles multiplient les actions en justice pour prévenir les dérives et protéger leurs intérêts.
S’agissant de la préparation à l'examen théorique, les auto-écoles traditionnelles n’ont plus le monopole et elles ne peuvent plus facturer les frais de présentation à l’examen, ce qui constitue un manque à gagner. Comme on pouvait s’y attendre, la fréquentation des cours de code a nettement chuté dans les auto-écoles de quartier, du fait de la possibilité de se former à distance. De plus, les candidats peuvent désormais se présenter à l'épreuve du permis de conduire en candidat libre.
Mais, avant cela, il faut avoir obtenu l’examen théorique du Code de la route, sans compter les 20 heures obligatoires d'apprentissage de la conduite.
Pour proposer aux candidats une formation pratique, il faut en effet disposer de véhicules à double commande, ce que possèdent les auto-écoles traditionnelles. Les opérateurs low-cost qui ne disposent pas tous, loin s'en faut, d'un parc de véhicules à double commande font plus souvent appel à des moniteurs indépendants, titulaires du Brevet pour l'Exercice de la Profession d'Enseignant de la Conduite Automobile et de la Sécurité Routière (BEPECASER) ou du titre professionnel d'enseignant de la conduite automobile et de la sécurité routière (ECSR), lesquels travaillent alors avec leur propre véhicule.
Le hic, c'est qu'il n'y a pas assez de moniteurs diplômés sur le marché. Outre le risque de débauchage de leurs moniteurs diplômés, les gérants d'auto-écoles déplorent les infractions à la législation, comme l'interdiction de travailler le dimanche qui n'est pas toujours respectée par certains opérateurs. La Loi a d'ailleurs plus souvent sanctionnée les contrevenants.
Travailler sous le régime indépendant n'est pas non plus la panacée. Il y a certes la liberté d'action, mais celle-ci a un prix. Comme pour les taxis, il faut savoir tracer la frontière entre vie professionnelle et vie personnelle. A cela s'ajoute, l'incertitude du lendemain, la fluctuation des revenus et une protection sociale jugée moins favorable que pour les salariés.
Plus grand encore serait le risque que les auto-écoles traditionnelles ne finissent par perdre la partie...