Publié le 06/09/2025
Artiste pluriel, par nécessité et par choix. Karine Abitbol : chanteuse, coach, éditrice et productrice de chansons
Propos recueillis par Françoise Boyer
Tout le monde n’a pas la chance de vivre de sa passion. Il faut savoir que seuls 20% des musiciens professionnels vivent convenablement de leur art. Être artiste, c’est souvent exercer d'autres métiers quitte à mettre sa passion entre parenthèses… Il n’est pas inutile de rappeler que les meilleurs musiciens sont de gros travailleurs. Quel que soit le chemin, il faut être rigoureux et régulier dans le travail, forcer la chance et avoir un esprit d’artiste entrepreneur.
« Du plus loin qu’il m’en souvienne » chantait autrefois Barbara qui évoquait ainsi la précocité de son amour pour la chanson, son désir de rencontrer son public et d’être un jour reconnue comme chanteuse. « Ma plus belle histoire d’amour, c’est vous... »
Le parcours de Karine Abitbol, qui vient de lancer son label indépendant Tu fais Label, relève de ce même désir irrépressible, qui résiste à tous les obstacles que la vie peut semer sur le chemin et qui les surmonte pas à pas pour parvenir au but que l’on s’est fixé.
Enfant, elle se rêvait héroïne de comédies musicales et s’immergeait dans Les Demoiselles de Rochefort ou West Side Story qu’elle connaissait par cœur. Rétive à toute étude musicale théorique ou académique, elle préfère jouer du piano d’oreille et former de petits groupes musicaux au lycée, plutôt que suivre les cours d’un quelconque conservatoire.
Engagée par défaut dans des études de sciences économiques à la faculté de Nanterre, elle obtient une maîtrise d’Administration économique et sociale. En parallèle, elle continue de chanter dans différents groupes musicaux.
De 1996 à 2000, elle travaille au marché du film du festival de Cannes en tant que responsable du service des accréditations, « le sésame absolu » dit-elle. Mais la musique la taraude et le soir, sur la terrasse du Martinez, elle propose un récital, accompagnée d’un pianiste, son premier répertoire des plus grandes chansons du cinéma… les prémices de Karine Arrête Ton Cinéma, son nom d’artiste aujourd’hui.
Après le décès de son père en 2004, incapable de continuer à chanter, elle effectue un bilan de compétences, pour de faire le point. Cette démarche l’amène à reconsidérer sa carrière et à se tourner vers les autres : « Je sais fédérer les gens, faire lien, j’aime les histoires des personnes, j’aime les écouter... ».
Elle décide de s’inscrire au CNAM en psychologie du travail, y passe l’essentiel des matières théoriques. En 2006, sa rencontre avec Patrick Korenblit, qui deviendra son mentor, marque un tournant décisif dans sa carrière. D’abord salariée, puis free-lance, elle exercera pendant 17 ans comme consultante en bilans de compétences au sein de PK Consultants, un cabinet agréé notamment par l’AFDAS.
Au fil des années, elle complète son parcours par une formation en coaching à Paris VIII, puis par une spécialisation en systémique au SI Institut auprès de Frédéric Demarquet. En 2022, elle se forme auprès de Dina Scherrer et devient praticienne narrative.
La musique ne l’a pourtant jamais quittée. Après sept années d’interruption, elle choisit de renouer avec le chant et s’associe à la fille du compositeur Georges Delerue — célèbre pour ses musiques de films, dont celle du Mépris de Jean-Luc Godard — pour créer un répertoire intitulé Comme au cinéma, rassemblant notamment des chansons de ce dernier.
En 2015, elle amorce un tournant radical pour se consacrer exclusivement à la musique. Elle crée sa chaine YouTube Karine Arrête Ton Cinéma, puis son premier spectacle qu’elle lance au théâtre Clavel. C’est le début d'une nouvelle aventure. Cette même année, elle est sollicitée par une association parrainée par Boris Cyrulnik pour chanter dans une comédie musicale, écrite pour des enfants dans un cadre d’art thérapie. Lionel Daumer, alias Yo, en a composé la musique. Il deviendra son complice sur scène et à la ville 3 ans plus tard en formant un duo guitare voix, toujours de chansons du 7e art.
Au sortir de la crise sanitaire, elle propose des concerts à domicile et des spectacles interactifs en entreprise, autour du cinéma « Devinez de quel film est tirée cette chanson ? » et multiplie les anecdotes : « Savez-vous que Nathalie Wood est doublée dans les chansons de West Side Story ? ». Elle pratique aussi le coaching vocal.
Même si lors de sa participation à l’émission de Nagui, « N’oubliez pas les paroles », elle a dû s’incliner « avec panache » devant « plus fort qu’elle », Karine envisage de retenter sa chance. « Quand je serai prête ».
Yo, auteur-compositeur, commence à lui écrire des chansons originales et pour la fête de la musique à Sèvres, le 21 juin 2025, elle interprète « Babyliss et shampoo », son premier single, qui devient viral (215.000 vues à ce jour). Cette chanson, un duo de deux copines, très girly et feelgood, intègrera en 2026 le premier EP que Karine compte bien sortir grâce à un crowdfunding.
Pour ce faire, elle vient de fonder son label « Tu fais Label ».
«Trois chansons sont déjà finalisées et ‘clipées’ ».
Pour son label, elle a choisi le statut de société anonyme société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU*).
« A 52 ans, je me suis dit que ça commençait à être un peu râpé pour qu'une maison de disque ait envie de me "signer" comme on dit dans le jargon. Alors je me suis jetée à l’eau ! J'ai décidé de me lancer et de rajouter une casquette supplémentaire, et me voilà productrice... La SASU* offre une image de sérieux par rapport à l’association ou à l’auto-entreprenariat quand on veut chercher des financements. »
Consciente des aléas du métier, elle continue en tant qu’auto-entrepreneur à pratiquer le coaching.
Karine est aujourd'hui chanteuse, coach vocal, productrice et éditrice de chansons et quand on lui pose la question classique « Est-ce que tu en vis ? », elle évoque Bruce Dickinson, chanteur des Iron Maiden, leader du groupe, mais aussi pilote de ligne, escrimeur et animateur radio, il est tout à la fois. Karine vit très bien elle aussi ce partage entre plusieurs activités choisies. Sa devise : « plus on en fait, plus on en fait, moins on en fait, moins on en fait. »
Son parcours est un témoignage de ténacité
« J’ai traversé des échecs, des doutes. Créer mon label était un passage nécessaire pour me professionnaliser, monter en crédibilité. Les gens n’osent pas, alors que le plus gros risque est de ne pas faire ce que l’on a envie de faire. » Elle ajoute, pour finir sur une métaphore cinématographique :
« Nous sommes tous les héros de nos vies, à nous d’en faire une belle bande originale. »
*Statut SASU : SASU et EURL appartiennent à la famille des sociétés commerciales. A noter que les cotisations sociales du gérant sont beaucoup plus faibles en EURL à l'IS qu'en SASU à l'IS. Voir aussi nos fiches "Création d'entreprise" et "Culture/ Spectacle - Musique & Chant - Industrie musicale" sur le Guide des ressources emploi