Publié le 15/10/2021
Par Rémy Dreano.
En matière de stratégie industrielle, les hésitations se payent souvent au prix fort.
Lors de la présentation de son plan d’investissement France 2030, Emmanuel Macron a parlé d'un investissement d'un milliard d’euros dans les SMR (Small Modular Reactors), des petits réacteurs nucléaires modulaires. Faut-il y voir un retour en grâce du nucléaire ?
En choisissant il y a plus de dix ans de désinvestir progressivement le nucléaire au profit des énergies renouvelables, la France a, en quelque sorte, abandonné la maîtrise de son industrie de pointe. Au fil des hésitations, des tergiversations, nous avons laissé perdre des savoir-faire précieux. C'est le cas en tuyautage et soudure, soumis à un référentiel rigoureux.
Pourtant, c’est bien la parfaite maîtrise de la technologie à tous les niveaux de la chaine, soudure y compris, qui assure à la France sa sécurité et sa souveraineté et qui lui permet de maintenir son tissu industriel et son rang dans le concert international. Il est vrai qu'une perte de compétences dans un domaine aussi sensible que le nucléaire peut interroger sur la capacité de nos acteurs à mener à bien des projets complexes dans le respect des délais et des budgets.
Des chantiers EPR (Famanville notamment) ont été retardés du fait même de défauts de soudure non détectés à l'occasion des contrôles de fin de fabrication, suite à des inspections plus poussées.
D'autres secteurs à forte culture de sûreté comme l'aéronautique, le naval (fabrication de sous-marins notamment), alertent de longue date sur le déficit de compétences en soudure.
Outre que notre pays manque déjà de soudeurs dans d'autres domaines (construction métallique, éolien, travaux publics...) et sur tout le territoire national, l'élévation des impératifs industriels et des normes de sûreté imposent un niveau de compétences de plus en plus élevé.
Or, nous ne formons pas assez de soudeurs, pas assez vite et pas assez bien, semble-t-il. Sur le seul site optioncarriere, 375 postes sont proposés rien qu'en Normandie. Au risque évoqué plus haut s'ajoute celui de l'arrêt temporaire des machines engendrant d'inévitables retards de livraison qui pénalisent nos industriels, mettant à mal leur image.
C'est la raison pour laquelle, au constat d'une pénurie de soudeurs de "haut vol" et d'un déficit de formations adaptées à leurs besoins, ORANO, EDF, Naval Group et CMN, avec le soutien de la région Normandie, ont décidé de créer à Cherbourg une école industrielle de haut niveau en soudure, en regroupant notamment toutes les habilitations pour permettre de réduire les temps d'acquisition des compétences clés.
Dans ce contexte à fort enjeu, on comprendra que l’ouverture de cette Haute École de soudure, baptisée Hefaïs, soit attendue avec impatience. (ouverture prévue en novembre 2022)
Pour ces futurs soudeurs qui sortiront de cette école, les débouchés sont aussi larges que garantis en sortie (industrie navale, aérospatiale, industrie pétrolière, métallurgie, BTP, éolien, travaux hyperbares*, etc.).
A noter que les salaires ont grimpé, du fait de la rareté des profils. Dans certains secteurs, un soudeur de haut vol peut gagner jusqu'à 4.000 euros net mensuel, voire même le double sur une plateforme pétrolière.
Avis aux amateurs...
*avec formation complémentaire de scaphandrier (cf autre article sur notre blog)