Publié le 06/09/2016
Propos recueillis par Rémy Dreano.
Fils d’immigré d’origine ukrainienne, Luc Yeremiyew s’est très tôt tourné vers le métier d’ébéniste d’art-restaurateur de meubles, un choix qui s’est imposé à lui comme une évidence.
« J’ai passé mon CAP d’ébéniste dans une école parisienne que j’ai complété par un stage à l’école Boule... »
Sitôt son stage terminé, le choix est clair pour Luc qui ouvre en 1978 son atelier à Wissous (91), dans la banlieue parisienne. Le voilà parti pour un long bail dans le travail du bois.
Mais en 2002, le couperet tombe, la médecine du travail a rendu son verdict et Luc doit faire une croix sur son métier.
« Monter des commodes et des armoires dans des escaliers étroits, ça finit par vous flanquer le dos en l’air » explique-t-il.
Pour ce passionné d’histoire de l’art, le coup est rude, très rude même, d’autant que la retraite n’est pas à portée de fusil…
« Avec mon dos en compote, il a fallu que je change de métier. La seule chose qui m’importait, c’était de reprendre une activité artistique. En fait, je ne savais pas du tout où j’allais...»
Et comme souvent, c’est une rencontre providentielle qui remet l’artiste en selle. Un nouveau projet se dessine…
« Reconnu comme accidenté du travail, j’ai pu obtenir un financement du Conseil général pour une formation à l’École du Vitrail de Paris. Je précise qu’il a fallu batailler et beaucoup insister pour l’obtenir. J’ai eu la chance d’être formé par un grand maître-verrier de la Maison du Vitrail… ».
Sitôt sa formation achevée, Luc ne traîne pas en chemin…
« J’ai ouvert mon atelier sans aide aucune, ni de la Chambre des métiers, ni de personne d’ailleurs. J’ai acheté le four et les outils du verrier, diamants, pinceaux, blaireau, pigments, profilé de plomb, plomb à souder, sans compter l’outillage spécial pour faire du Tiffany (des lampes en forme de nénuphars de style « Art nouveau »), un matériel finalement très coûteux » précise-t-il.
Quelques années ont passé et aujourd’hui, Luc Yeremiyew est un maître-verrier reconnu et apprécié. Installé à Héry, non loin d’Auxerre, il restaure et crée des vitraux en jouant avec les nuances, de la couleur à la matière, de l’ombre à la lumière, travaillant le verre tantôt en Tiffany, tantôt en fusing et plus souvent en vitrail au plomb.
Fort de sa longue expérience d’ébéniste d’art, notre peintre de la lumière sait qu’il ne suffit pas de se mettre au travail et d’attendre que l’acheteur providentiel entr’ouvre la porte de son atelier.
« Pour vivre de sa création, il faut en premier être un bon commercial et en second, choisir un art qui vous correspond. Mon expérience d’ébéniste-restaurateur de meubles m’a certainement fait gagner du temps. Je sais l’importance d’afficher une présence dans les expositions régionales pour se faire connaître et faire aussi les bonnes rencontres. De ma promotion, je d'ailleurs suis le seul à être parvenu à développer durablement mon affaire…»
L’artiste sait d’expérience que les donneurs d’ordre, les amateurs d’art fréquentent aussi les expositions régionales, comme celles de Tonnerre, d’Ancy-le-Franc et de Vézelay. Avoir en plus pignon sur rue dans un site touristique classé patrimoine mondial de l’humanité est indéniablement un plus.
« L’installation à Vézelay est récente. En fait, cela fut plus facile que je l’imaginais. Je suis allé voir le Maire qui m’a donné assez rapidement son feu vert... »
Lieu de pèlerinage connu mondialement, la Basilique Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay attire de nombreux touristes en saison. De plus, les villages alentours abritent un patrimoine vivant, des églises, des chapelles, des bâtiments classés qui nécessitent périodiquement des travaux spécifiques de restauration.
« Peu après mon installation à Vézelay, le diocèse m’a demandé de restaurer les vitraux de la chapelle de la Cordelle. J’ai aussi été choisi pour la réalisation des grands vitraux de l’église de Charbuy...»
Un travail de restauration qui tient parfois du puzzle. Il faut démonter les panneaux, dégager les joints de plomb pour permettre de remplacer le verre et proposer un projet artistique qui s’harmonise avec le lieu et son histoire.
Mais pour l’heure, ce qui inquiète Luc, c’est la morne actualité du moment.
« On ressent une baisse de fréquentation due aux récents attentats en France » constate-t-il.
Certes, la clientèle anglaise, belge, néerlandaise est toujours là, mais l’anxiété est palpable qui est moins propice aux affaires. Et dans cette morosité ambiante, conclure une vente est devenu plus ardu.
« Parler l’anglais est essentiel. Il faut prendre le temps d’expliquer les techniques (le fusing, le travail du plomb pour le Tiffany), faire un peu de pédagogie. Il faut aussi accepter que le client discute plus âprement les prix, mais on ne doit jamais se brader...» conseille Luc.
Et notre artiste de délivrer quelques conseils de bon sens à celles et ceux qui se destinent aux métiers d’art.
« Je connais des potiers qui font du très bon boulot et qui sont à la ramasse… Un client qui s’extasie sur votre travail, c’est gratifiant pour l’artiste, mais encore faut-il savoir ferrer le poisson. S’enfermer dans son atelier, ce n’est pas bon non plus. J’ai un rendez-vous sur Paris qui m’attend et je dois me rendre bientôt à Dijon. Et il ne faut pas hésiter à se rendre à l’étranger pour se faire connaître… »
Un maître-verrier qui sait aussi rester maître du tempo…
Atelier Luc Yeremiyew
10, rue du Moutier
89550 Héry
Tel: 06 72 09 31 79
luc.yeremiyew@wanadoo.fr