Publié le 07/05/2025
Propos recueillis par Françoise Boyer
Pour les professionnels de l’orientation, tout choix d’études devrait être précédé d’une ouverture sur le monde économique et professionnel et aussi sur soi-même...
C’est un long cheminement.
Or, rares sont ceux qui se préparent suffisamment en amont en consacrant du temps à la découverte des métiers et leur réalité. Moins nombreux encore sont ceux qui prennent rendez-vous avec le PsyEN de leur établissement ou bien un coach en orientation pour se faire aider. Trop facile d’incriminer la plateforme Parcoursup au constat que la moitié des étudiants du supérieur échouent durant leur première année d’études.
La réalité est plus complexe. Comme les études le montrent, la première année à l’université est décisive, tout comme le premier stage en entreprise qui confronte l'étudiant à la réalité du métier choisi. Parmi les facteurs d’abandon, le rythme intense des études mal anticipé, l’éloignement familial ou encore l’aspect financier. Certains étudiants doivent trouver à se loger et l'on ne mesure pas toujours les difficultés pour s'organiser et vivre dans les grandes métropoles. La précarité pousse à s’interroger sur le sens de votre orientation. Lors de la confrontation à une expérience de stage éprouvante, le stress, l’anxiété peuvent monter d’un cran.
En 2023, parmi les 672.400 néo-bacheliers, 216.500, soit environ 32% d’entre eux, sont entrés en cursus de licence au terme d’un processus d’orientation et d’inscription par le biais de la plateforme Parcoursup, la plateforme nationale de préinscription en première année de l’enseignement supérieur en France. Un outil destiné aux lycéens qui préparent le baccalauréat et aux étudiants déjà titulaires du baccalauréat qui souhaitent se réorienter.
Les lycéens formulent librement des vœux pour les formations qui les intéressent et reçoivent des propositions d’admission, après l’examen de leur candidature. Ils peuvent enfin choisir leur futur établissement.
La plateforme précise que le jeune «est toujours accompagné» et qu'un numéro vert est là pour les aider. Pour chaque formation disponible sur Parcoursup, le futur étudiant dispose d'une fiche de formation avec des informations essentielles à consulter pour éclairer ses choix : informations sur l’établissement, la formation, les critères et les modalités de candidature, et enfin, l’évaluation de ses chances d’admission.
Sur le site de Parcoursup, des vidéos expliquent que tout est très simple et que 95% des lycéens obtiennent au moins une proposition d’admission. «Le jeune peut candidater sur 10 choix maximum, puis accepter une proposition mais reste libre de ses choix si d’autres plus attractives, sont en attente». Les réponses aux demandes de formation ne sont pas décidées par l’algorithme de Parcoursup, mais suivent un schéma très classique : candidature, création du dossier, formulation des vœux, transmission du dossier et décision des enseignants avant renvoi de la réponse à la plateforme sur laquelle le candidat peut suivre l’évolution de son dossier.
Sur le papier, rien de plus fluide et transparent. Et pourtant, Parcoursup est l’objet de bien des critiques. Le dysfonctionnement de l’outil est régulièrement pointé, et notamment, l'absence d’accompagnement et de réflexion approfondie en amont, au cours de la scolarité, pour éviter les erreurs d’orientation, ce qui, à l'évidence, n'est pas la fonction de la plateforme.
Pour certains, la route est toute tracée. Depuis des années, ils savent déjà quel sera leur futur métier et par quelle voie il leur faudra passer. Influence familiale ou amicale, vocation précoce liée à une découverte au cours des études secondaires… En tout cas, pour ceux-là, le choix est fait. Parcoursup ne sera qu’une formalité, pour peu qu’un entourage affûté les aide à déjouer les pièges et les méandres administratifs. Ceux-là intégreront l’école ou l'université correspondant à leur souhait clairement affirmé. Mais pour d’autres, moins sûr(e)s de leur choix, la question de l’orientation peut les amener à un cheminement erratique au sortir des études secondaires. Le constat est implacable. Plus de 50% des lycéens inscrits en première année de licence universitaire ne passe pas le cap de la première année. C’est donc en amont qu’il convient d’agir pour «aiguiller» ces jeunes.
Tout d’abord, au niveau des établissements scolaires, ce sont les professeurs des lycées qui sont en première ligne, qu’ils soient généraux, technologiques ou professionnels. De la seconde à la terminale, ils sont censés aider les élèves à déterminer leurs choix.
Un exemple parmi d’autres, recueilli dans un lycée privé sous contrat d’une grande banlieue cossue, auprès d’Isabellle, une enseignante expérimentée de STMG (sciences et technologie du management et de la gestion).
«Ce système est à bout de course. Jusqu’en première, les élèves sont triés selon leurs résultats. La sélection est trop précoce. Les médias renforcent souvent l’idée que si l’on a raté le marchepied, il n’y a pas de recours possible. On oublie que tous les élèves n’avancent pas au même rythme. Le CIO, outil très lourd qui n’intègre pas les nouveautés, a tendance à encourager cet état de chose. Certains de mes élèves de STMG orientés a priori vers la gestion ou le droit, sont devenus ingénieurs ou architectes. Ils ont utilisé des passerelles. On raisonne moins en termes d’objectif que de formation, c’est une erreur. On devrait pousser un élève pour que son projet scolaire soit en adéquation avec ce qu’il veut être.»
Quant à son établissement, qu'elle reconnait comme étant privilégié, le dialogue entre familles et enseignants n'est pas un vain mot.
«On se débrouille plutôt bien dans un contexte complexe et souvent anxiogène pour les familles. Notre établissement de taille moyenne (500 élèves) se prête au dialogue direct, avec des professeurs principaux aguerris, des équipes éducatives qui travaillent en collégialité et qui apportent aux élèves des réponses personnalisées. Les responsables de niveau et les directeurs adjoints guident la réflexion dès le premier conseil de classe. Pas de psychologue scolaire, ni de conseiller d’orientation. Dans le privé, l’orientation est faite par les professeurs principaux appuyés par la structure éducative. C’est un plus car les élèves ne sont pas mis dans des cases. D’anciens élèves sont invités à présenter leur parcours lors d’une matinée spéciale, pas de démarche commerciale contrairement aux salons où les étudiants présents sont dans une situation de communication. Enfin, notre action ne s’arrête pas au baccalauréat. S’ils sont en échec dans le supérieur, ils peuvent revenir vers nous et en discuter…»
Alors, Parcoursup répond-il aux attentes des élèves ? «Le point positif de la plateforme est de centraliser les formations et de permettre à tous les élèves (en théorie) d’avoir accès à toutes les formations. Point négatif : Parcoursup ne dit pas grand-chose de la formation, ce n’est pas un outil humain, il ne dit rien des leurres de l’orientation. Il est donc indispensable que les enseignants dialoguent avec les familles avant de postuler. On a voulu “surdiplômer” tous les élèves et, aujourd’hui, il est difficile de se caser à moins de bac + 5. L’universalité de la formation a forgé un système de masse. Comment s’adapter à un trop grand nombre d’étudiants ? Le jour où l'on pourra fournir à nos jeunes une orientation qui les rendra heureux, on aura gagné...»
Autre témoignage fort recueilli auprès de Michel, enseignant en Sciences et Techniques des Arts Appliqués, mais cette fois dans un lycée de Montreuil en Seine-Saint-Denis.
«En début d’année, je distribue des fiches pour sensibiliser les élèves dans une démarche de projet. Qu’envisagez-vous comme métier ? c’est souvent nébuleux, les jeunes se leurrent souvent, je note des effets de mode : Game designer, par exemple... Des cours d’accompagnement personnalisé sous forme d’exposés réguliers en binôme permettent de les éveiller à l’orientation. Souvent, le conseiller d’orientation qui les a reçus en 3ème n’avait pas d’informations précises sur la filière, c’est dommage... Au lycée, ils peuvent dialoguer avec la conseillère d’orientation qui éventuellement les aiguille vers le CIO. Le CIO reçoit ponctuellement dans les locaux du lycée ou à l’extérieur. Cette année, un stage de 15 jours en entreprise est instauré au niveau national. Nous jugerons de son efficacité dans les années à venir. En terminale, nous invitons les élèves à participer aux journées portes ouvertes des écoles supérieures. Un forum des métiers au lycée réunit professionnels, parents d’élèves travaillant dans le domaine, et anciens élèves. Les élèves sur Parcoursup envoient bulletins de notes, portfolios, lettres de motivation à la fin du premier semestre. Nous regrettons ce calendrier, car il est démotivant pour le deuxième semestre. La lettre de motivation doit être très personnelle pour attirer l’attention du lecteur, j’y prépare les élèves. Mentionner des participations à des événements artistiques, dans le cas présent, est un plus…»
Du côté des parents d’élèves, la plateforme est jugée satisfaisante, malgré quelques ratés.
«En 2021, notre fille, qui a toujours su ce qu’elle voulait faire, s’est débrouillée seule, mais pour notre fils, moins mature, il faudra être présent car il risque de postuler à des formations trop éloignées du domicile ou un peu fantaisistes. Par prudence, notre fille a sélectionné des écoles de communication, en élargissant au maximum ses choix, des plus cotées aux plus basiques. Mon mari, CPE, avait déjà vu des dossiers de bons élèves refusés en raison des aberrations des algorithmes de la plateforme, peut-être corrigées aujourd’hui. Point négatif, en refusant une proposition positive d’une faculté, toutes les autres formations similaires ont été effacées de facto sans retour possible. Ensuite, quand un choix intéressant a été accepté, elle n’avait que trois jours pour répondre. Impossible ensuite de le mettre en attente, alors que d’autres réponses ne lui étaient pas encore parvenues. Certaines écoles demandaient une simple lettre de motivation, d’autres, des questionnaires très complets et des analyses, donc un travail énorme pour notre fille. Mais elle a finalement obtenu un IUT proche de notre domicile qui répondait à ses critères» explique Caroline.
Sa fille Lilou, aujourd’hui en école de com à Audencia est également satisfaite de son parcours : «les professeurs nous avaient donné les clés nécessaires en nous conseillant de ne pas limiter le nombre d’écoles. Je m'étais rendue au Journées portes ouvertes, j’hésitais alors entre une prépa ou un IUT. Pour le même diplôme, on pouvait indiquer plusieurs villes sur Parcoursup. Ne sachant pas si je serais prise en filière marketing, je me suis inscrite en droit également, pour ratisser large. J’ai bloqué l’IUT mais j’hésitais encore, étant sur liste d’attente ailleurs, et n’ayant que trois jours pour me décider. Mais je sais qu’en cas d’erreur, d’autres élèves ont pu facilement rectifier le tir en contactant la plateforme, très réactive...»
Pour naviguer dans le dédale de l'orientation, il faut s'intéresser aussi à l'apport de la documentation et aux outils extra-scolaires, que les familles gagneraient à utiliser. Sur les portails des services d'orientation et d'insertion professionnelle des universités, on retrouve assez souvent les mêmes sources d'information :
Outils documentaires (en ligne)
Des tests
Des médias digitaux, des applis
Ces outils et services ne sont pas tous exploités au sein des Lycées. Soit, ils sont méconnus, soit, c'est le manque de temps ou de budget pour s'y intéresser. Il y a aussi chez certains psychologues une méfiance à l'égard des outils conçus par le privé.
Dans ce contexte hautement incertain et anxiogène, le secteur privé a pris sa chance et le coaching scolaire tisse sa toile. Selon une enseignante, «Les parents sont prêts à débourser pour éviter les erreurs, en s’adressant à des psychologues formés à l’orientation. C’est bien pour donner des idées, mais attention, c’est un marché ! Les informations données sont parfois aberrantes, révélant même une méconnaissance du système, par manque de confrontation au terrain. Ils sous-évaluent parfois l’élève.»
Comment expliquer l'essor de ces cabinets privés sinon par ce ratio d'1 psychologue scolaire pour 1.500 élèves dans le secondaire ?
Nous avons interrogé à ce titre deux conseillères d’orientation scolaire indépendantes (de statut privé donc). Elles ont depuis juillet 2024 une association pour les représenter (la COSI). Tout d’abord, Laurence Alenda, consultante sociologue en Pratique réflexive & gestion des Talents :
«Parcoursup part du principe que les jeunes savent déjà ce qu’ils veulent faire. C'est une source de stress pour les familles, dès la classe de seconde. Au lycée, deux RV en 2nde, puis en 1ère avec un conseiller d’orientation, ou un psychologue scolaire, au mieux. Le conseiller regarde les notes, le projet de l’élève, pas son profilage. Il évalue l’adéquation entre les deux. La réalité de terrain s’oppose parfois au projet fantasmé de l’élève, mais les stages en entreprise ne permettent pas toujours de le vérifier. Si les notes sont insuffisantes pour un lycée général, l’élève sera aiguillé vers un établissement technologique ou professionnel. Le CIO quant à lui, ne propose que des plaquettes d’information sur les propositions locales. Souvent, l’élève ne travaille que pour les notes, pas en fonction d’un projet. La soi-disant “fainéantise” est liée en réalité à un manque d’organisation. Quand ils arrivent sur Parcoursup, dont ils ignorent les codes, ils découvrent qu’avoir été délégué de classe ou avoir effectué des stages lors d’activités extra-scolaires, se révèle comme un plus, ce qui ne devrait pas être le cas.»
Et que proposez-vous pour pallier les faiblesses de l’encadrement scolaire ?
«Je réalise un bilan de compétence dès l’entrée en 3e*. J’évalue le nombre d’heures nécessaires en fonction des besoins de l’élève. Je fournis un rapport de 30 pages, dans lequel j’indique des plans B éventuels. Mes outils sont validés par des psychologues, recoupés, débusquant les incohérences pour rechercher la personnalité profonde de l’élève. Le coaching scolaire peut aider à mettre l’enfant sur des rails en dehors des injonctions familiales...»
*compter 660€ environ pour 10h
Romy Pons, un autre conseillère d’orientation indépendante, détaille sa méthodologie, en s'attachant à bien distinguer le bilan de compétences des adultes et le bilan d'orientation jeunes*.
«Les adultes tracent leur propre chemin. Ils peuvent financer leur bilan de compétences via leur compte personnel de formation (CPF) ou grâce à leur employeur. Très normé, ce bilan constitue une démarche réflexive en trois phases : préliminaire pour connaître la problématique, investigatrice pour déterminer personnalité et points forts, conclusive menant à une éventuelle réorientation professionnelle ou une remobilisation du salarié. Après une restitution écrite, un rendez-vous six mois plus tard permet de faire le point. Le bilan d’orientation scolaire diffère, même s’il s’agit dans les deux cas de retrouver la confiance en soi. Moins normé, il comprend, dans son cas, quatre rendez-vous avec le jeune, une prise de contact, et trois rendez-vous durant lesquels des tests psychotechniques permettent à la consultante de définir deux ou trois propositions de secteurs d’activité, avec au bout du processus, un dernier entretien avec la famille, très interactif, au cours duquel les parents peuvent positionner leur enfant au vu des résultats.»
*compter 500€ environ pour 6h, en présentiel ou distanciel
Quid de l’accompagnement des jeunes lycéens au sein de l’institution Éducation Nationale, via les psychologues scolaires (PsyEN) ? Nous avons interrogé, Nathalie, responsable du CIO de Montreuil. Son équipe est constituée de dix psychologues (des femmes) et de deux responsables administratives. Sans surprise, son point de vue tranche par rapport à celui des deux COSI. Ce n'est guère surprenant, l'antagonisme est ancien.
«Notre mission principale est l’accompagnement des jeunes dans leur parcours scolaire et leurs éventuelles difficultés d’apprentissage. Nous travaillons dans les lycées et dans l’enseignement supérieur au sein des cellules universitaires d’information et d’orientation. Les psychologues passent les ¾ du temps dans les lycées, intégrées à l’équipe médico-sociale. 60% des jeunes reviennent plusieurs fois échanger avec elles. Nous avons une psychologue pour 1.500 jeunes au sein de gros établissements. Elles passent 5 à 6 demi-journées hebdomadaires dans un même lycée. 80% de leur temps est consacré à des entretiens individuels. Comment fait-on un choix de vie ? Il faut travailler sur la confiance, l’autonomisation mais aussi le renoncement. Il y a un décalage entre les attendus et la réalité de l’enseignement supérieur. Souvent, ils choisissent au hasard, ils ne savent ni approfondir, ni chercher les informations. Leur taux d’aspiration élevé ne résiste pas aux difficultés rencontrées. Je propose déjà au jeune de faire le test du transport entre son domicile et la fac qu’il envisage. Sera-t-il capable de réitérer quotidiennement le trajet ? L’échec est multifactoriel. Il n’existe sur Paris qu’un CIO de réorientation, mais il y existe des passerelles avec des sessions de réorientation universitaire...»
Devant les difficultés des jeunes à exprimer leurs motivations, les psychologues utilisent des questionnaires d’intérêt comme Motiva, un test de 30 minutes, disponible en ligne et conçu par ECPA Pearson talent. Outil d’échange, le CIO réalise 500 passations par an.
«Nous informons et conseillons souvent les parents qui ne connaissent pas les personnes ressources. Il faudrait un webmail, ce qui supposerait un poste à mi-temps pour informer de l’existence du CIO, mais nous sommes sous l’eau, en manque de personnel. C’est la Région qui a la charge de l’information. En Seine Saint-Denis, priorité est donnée aux “élèves à besoin éducatif”. Nous suivons aussi les élèves exclus des établissements en lien avec les associations de quartier. Au CIO, nous recevons 40% de lycéens et 60% d’élèves déscolarisés. Nous gérons tout autant la santé mentale que l’accompagnement à l’orientation. Avant l’inscription sur Parcoursup, le CIO organise une séance d’information parents-élèves dans les classes, ainsi qu’un atelier de six séances consacré à l’aide à la rédaction d’une lettre de motivation. Le CIO n’a pas accès à Pronote et ne peut donc pas informer des actions menées. Nos canaux d’information sont le bulletin municipal, la presse locale et les psychologues à l’intérieur des établissements.»
Nathalie confie avoir évolué dans sa pratique depuis ses débuts de carrière : «On souffre de vouloir coller l’orientation sur les besoins économiques. Je suis davantage soucieuse aujourd’hui de ne pas couper les ailes des adolescents» confie-t-elle. Et concernant le coaching privé, notre directrice se montre dubitative «beaucoup exercent sans avoir la formation adéquate.»
Malgré tous les dispositifs mis en place et les efforts des psychologues scolaires, l’échec au terme de la première année d’enseignement supérieur est important. Pour rappel, le taux d’abandon est environ de 70% pour les bacheliers technologiques, 82% pour les bacheliers professionnels et 30% pour les titulaires d'un bac général.
On mesure ici combien l’absence de vision claire peut parfois conduire les lycéens à un choix mal défini, lequel préfigure souvent l’échec à venir.
Pourtant, l’université a mis en place de nombreux outils pour remédier à cette situation comme l'allongement de la durée de la licence pour les élèves issus de filières technologiques ou professionnelles qui optent pour une licence générale ou encore, des dispositifs d’individualisation des parcours, comme «oui-si».
Pour faire le tour des appréciations, il nous fallait aussi recueillir le point de vue de responsables de l’enseignement supérieur sur ces difficultés des étudiants à poursuivre leur cursus au-delà de la première année.
Valérie, enseignante en master, souligne que «l’absence de sélection favorise l’échec en première année. C’est la raison pour laquelle il y a moins d’échecs dans les classes prépa, les étudiants ayant été sélectionnés. De plus, les étudiants de 1ère année ne sont pas toujours motivés car leur cursus ne correspond parfois qu’à leur 6ème choix parcoursup, autrement dit, un cursus choisi par défaut.»
Corinne, directrice adjointe d’une UFR de biologie, ne dit pas autre chose : «Les étudiants ont choisi une spécialité scientifique sans savoir où ils vont, problème de niveau, absence de sélection qui s’ajoute parfois aux difficultés de transport, de logement et à la précarité.»
Dans son université, la mise en place d’un contrôle continu en L1 adoucit la transition entre le secondaire et le supérieur. «Il contrecarre le manque d’autonomie des étudiants, évite le couperet de l’examen et vise à améliorer le taux de réussite qui pour le moment reste aux alentours de 50%». Ce contrôle continu s’étend aujourd’hui à de nombreuses facultés.
L'autre solution est la remédiation en première année, intitulée «semestre rebond», avec le concours de la cellule orientation de l’université. Elle s’appuie sur le triptyque «orientation, remédiation, mise en situation». Il s’agit pour les étudiants en difficulté, mais motivés, de refaire un premier semestre de L1 avec un accompagnement ciblé et la reprise en TD des notions non acquises en compagnie d’enseignants formés aux pédagogies nouvelles.
Au niveau national, l’État a mis en place le dispositif PAREO, effectif dans une quinzaine d’établissements. Il s'agit d'une formation post-bac, accessible via Parcoursup, qui offre aux bacheliers hésitants une année pour mûrir et affiner leur projet d’études. Les étudiants sont accompagnés par une équipe spécialisée dans le conseil en orientation (type SUIO-IP). Ils découvrent plusieurs disciplines et cursus et en mesurent ainsi les enjeux au regard de leurs intérêts et de leurs capacités, afin de faire des choix éclairés dans leur nouvelle candidature sur Parcoursup. Tous disposent d’un renforcement de certaines connaissances académiques, de compétences indispensables pour réussir dans l’enseignement supérieur et d’une période de découverte du monde socio-professionnel, utile à la construction de leur projet professionnel, par le biais de différents dispositifs (stages, rencontres avec des professionnels).
Sur coaching privé, l'avis de Corinne est tout aussi tranché «lI se développe en surfant sur la misère, mais il faut reconnaître que les coachs peuvent se permettre de prendre le temps de la discussion face à des élèves qui ne savent pas ce qu’ils veulent faire.»
Il l'est tout autant sur les conseillers d'orientation psychologues qu'elle juge parfois hors-sol.
«Leur avis diffère de celui des professeurs, plus réalistes, car ils ont les notes des élèves. Il y a un souci de cloisonnement entre enseignants et psychologues. Les élèves ne doivent pas se leurrer, rester réalistes. Il faut leur demander : mais qu’est-ce qui te plaît dans ce métier ? et creuser la question. Mieux vaut les préparer à l’échec mais avec un plan B.»
Au bout du compte, si les arguments des uns et des autres font sens, ils peuvent diverger selon le corps d'appartenance et c'est bien le problème. Toutes les parties gagneraient sans doute à se rapprocher pour confronter les points de vues et dégager quelques pistes fortes, à la hauteur des enjeux… matière à "conclave" en quelque sorte !