Publié le 07/04/2020
Par Rémy Dreano.
Depuis le début de la crise sanitaire, le Guide des ressources emploi s'efforce de relayer les situations secteur par secteur, au fil de l’eau, en fonction des informations disponibles (à trouver en rubrique Actualité Éco de nos fiches).
Les situations ne sont pas uniformes. Si les entreprises ont nettement réduit la voilure et/ou mis leurs salariés en télétravail, certaines sont restées sur le pont qui continuent même de recruter (logistique, transport, énergies, agriculture, agroalimentaire, santé, sanitaire et social…). D'autres se préparent déjà à la sortie de confinement (cabinets d’expertise-comptable, Tech, startups du numérique...).
Voici, pour commencer, un premier état des lieux que nous espérons le plus fidèle possible à la réalité du moment.
La France est au ralenti… pas à l'arrêt.
Pour ce n°1 "Petit écho des filières", voici une première sélection de secteurs traités :
• Transport aérien – PNC- PNT - Personnel au sol - Aéroportuaire
• Construction Aéronautique – Spatiale
• Agriculture
• Entreprises du paysage – Horticulture
• Viticulture
• Agroalimentaire
• Audiovisuel
• Photographie
• Construction automobile – réparation
• Sécurité privée
• Commerce – Distribution
Transport aérien - PNC- PNT- Personnel au sol - Aéroportuaire
Le trafic actuel à l’aéroport Paris-Orly est égal à 15% environ. L’épidémie du Covid-19 a entraîné la fermeture de plusieurs terminaux. Les avions étant majoritairement cloués au sol, les personnels non indispensables ont été mis en chômage technique (jusqu’à 90% dans certaines compagnies). Air France et ses filiales, Hop et Transavia, vont cesser progressivement la plupart des liaisons. Pour l’heure, Air France n’assure plus que 10% de ses vols habituels. Les recrutements en cours sont logiquement suspendus dans l’attente d’un retour à la normale. Les compagnies, déjà fragilisées par la compétition sur le low-cost, s’estiment dans un état d’urgence sans précédent et réclament des aides publiques. Contrairement à la plupart des autres secteurs, le retour à la normale en terme de trafic n'est pas prévu pour tout de suite, car les restrictions de déplacements à l'étranger risquent de durer quelques mois. A cela s'ajoute la crainte d'une moindre appétence pour les déplacements par avion. Sans nul doute, un gros revers pour le transport aérien et l'aéroportuaire. Pour autant, les aéroports restent opérationnels pour assurer les vols de passagers maintenus et aussi pour l'activité de fret (en baisse), le fonctionnement des chaînes approvisionnement devant être préservé et plus que jamais facilité dans les circonstances actuelles. Les aéroports se préparent pour le déconfinement prévu pour le 11 mai, mais les estimations de trafic laissent peu de place à l’optimisme. Le redémarrage sera progressif et le retour à la normale prendra des années selon les experts. Les estimations prévoient une diminution du trafic de 45% pour cette année et de 20% pour 2021, soit une nette baisse par rapport à 2019...
Construction Aéronautique - Spatiale
Airbus a suspendu sa production pendant quelques jours, le temps d'adapter son organisation aux mesures de sécurité sanitaire appropriées. L'usine Airbus de Montoir-de-Bretagne prévoit de redémarrer avec un effectif réduit. Pour l'heure, le consortium va réduire d'un tiers ses activités pour s'adapter à la situation. Après une période de pause, les sous-traitants voudraient eux-aussi reprendre la production, mais les organisations syndicales freinent des quatre fers. Les clusters, pôles de compétitivité collectent actuellement les remontées du terrain pour permettre d'analyser la situation. L'ambiance est lourde...
Dans le spatial, il faut, vaille que vaille, continuer d'assurer les fonctions opérationnelles stratégiques des systèmes orbitaux (opérations de secours et de surveillance). A noter que le salon Meette In Space de Toulouse, qui devait se tenir en juin prochain, vient d'être reprogrammé à 2022.
Agriculture - Elevage - Céréaliers - Minotiers
Les agriculteurs ne sont pas soumis au confinement. La nation compte sur eux pour continuer de produire pour nourrir la population et approvisionner également la filière agroalimentaire. Les maraîchers ont besoin d’être soutenus, par les saisonniers d’une part et par les consommateurs, d’autre part. En effet, c’est la saison de l’asperge et de la fraise et il est impératif que les consommateurs soient plus que jamais au côté et solidaires de leurs agriculteurs comme en Allemagne. À cela s'ajoute les caprices du temps, dans le Vaucluse, le gel vient frapper les cerisiers et abricotiers en début de floraison. Les producteurs ont allumé des torchères pour réduire les dégâts. Du côté des éleveurs, on note que la filière avicole fonctionne à plein régime, ce qui n'est pas le cas des laiteries et coopératives qui ont demandé aux éleveurs de baisser leur production de lait. Le problème, c'est qu'il faut traire les vaches tous les jours. Résultat, on jette. La filière est désorganisée et la logistique ne suit pas. La situation devrait rentrer dans l'ordre peu à peu. Quant aux céréaliers et aux meuniers (qui ne dorment pas), ils sont bien sûr mobilisés pour assurer la continuité de l’activité et approvisionner leurs clients et intermédiaires. Si le commerce export des céréales poursuit son chemin presque normalement, avec des exportations de blé au plus haut malgré les défis logistiques, les meuneries sont sous pression. Les ventes de farine en sachet de 1kg ayant quasiment doublé depuis le début du confinement, les minoteries tournent à plein régime pour s'adapter à la demande. Habituellement, le gros de la production va aux boulangeries en sacs de 10 à 25kg. Or, depuis le confinement, les consommateurs se sont convertis au fait maison et il faut maintenant approvisionner les enseignes de distribution en sachets de 1Kg. Or, les lignes d'ensachage ne sont pas adaptées à cette demande. Habituellement, les distributeurs se fournissent aussi en Italie et en Allemagne, mais les circuits d'approvisionnement habituels sont perturbés, d'où une surchauffe dans nos minoteries qui explique la pénurie de farine dans les magasins. En revanche, pour ceux qui cultivent l'orge ou le houblon et pour les malteurs, c'est plus difficile car les cafés, bars, restaurants sont toujours fermés et la consommation de bière a baissé.
Entreprises du paysage - Horticulture - Fleuristes
Selon le communiqué de la Fédération des Entreprises du Paysage concernant les mesures de restriction, certaines activités sont suspendues, d’autres non. Il se peut que certains chantiers du paysage soient maintenus pour permettre la continuité du service public. Quant à l’horticulture ornementale, elle va avoir du mal à se remettre de la crise du coronavirus, distributeurs et points de vente ayant été obligés de fermer au plus mauvais moment. Sachant que les premières semaines de printemps sont le moment où les fleurs sont prêtes à être coupées et que 50% du chiffre d'affaires est réalisé à cette période, on peut parler de catastrophe. Si certains horticulteurs, soucieux du geste citoyen, ont préféré offrir les plants à la grande distribution plutôt que de jeter, ce n’est pas toujours possible pour les fleurs qui seront coupées et jetées le plus souvent. Heureusement, les horticulteurs et jardineries commencent à réouvrir. On note que les fleuristes, directement visés par les mesures de restrictions imposées par le gouvernement, amorcent leur réouverture en appliquant les mesures barrière. Les clients passent de préférence leur commande par téléphone et peuvent ensuite la récupérer sur le pas de porte de la boutique. Pour l'heure, le gouvernement interdit encore aux fleuristes d'ouvrir le 1er mai pour vendre le muguet, ce qui ne fait pas l'affaire non plus des horticulteurs nantais. La Fédération des artisans fleuristes (FFAF) fait actuellement pression sur Didier Guillaume pour qu'il revienne sur cette interdiction.
Viticulture
Les viticulteurs sont autorisés à se rendre sur leurs parcelles, les activités agricoles n’étant pas concernées par les restrictions d’activités. C’est la période des plantations et du palissage. Le problème vient plutôt de la commercialisation des vins et spiritueux. Commandes à l’export en berne, avions cloués au sol, restaurants et bars fermés, clients confinés, tout cela affecte le marché. Seules, les ventes en supermarché progressent. Les professionnels anticipent une forte baisse de leur chiffre d’affaires. Certes, quelques exploitants, en Champagne notamment, s'organise pour ouvrir leur caveau à la vente, sans dégustation s'entend, en mettant en place les gestes barrières pour garantir la sécurité des acheteurs. La plateforme Wizifarm propose actuellement des missions ponctuelles en CDD, emploi saisonnier, stage, TESA pour aider viticulteurs dans une période où la main d'œuvre habituelle fait défaut.
Agroalimentaire
Bruno Lemaire a remercié la filière agroalimentaire, plus que jamais mobilisée durant la crise sanitaire. « La sécurisation du processus de fabrication et d’approvisionnement des denrées alimentaires est un enjeu crucial et stratégique » a-t-il rappelé à cette occasion. Du fait des fermetures des restaurants, des cantines et d’autres circuits habituels, il faut trouver de nouveaux débouchés pour écouler les productions. C’est le problème de Savéol à Plougastel-Daoulas (29) qui cherche à écouler ses tomates et ses fraises. Il ne faut pas rêver en effet, 30% en moyenne des effectifs salariés sont absents (maladie, droit de retrait, garde des enfants). On fait appel aux saisonniers pour les remplacer, afin de maintenir le rythme de production. Il faut aussi sensibiliser les consommateurs confinés qui se sont rués en premier sur les pâtes, le riz et la farine au détriment des produits frais.
Audiovisuel
L’interdiction de rassemblement en lien à la crise du Covid-19 entraîne moult annulations de projets. Les tournages de films, séries, fictions, et jeux télévisés comme Pékin Express sont suspendus sine die. Mais il reste quand même quelques techniciens et assistants sur le pont pour produire les émissions et journaux télévisés que nous regardons tous les soirs. La situation inquiète les professionnels. Les intermittents sont encore plus inquiets qui craignent de sombrer dans la précarité. Et, depuis l’entrée en vigueur des mesures de confinement, tout est à l’arrêt. Le ministre de la Culture, Frank Riester, vient d’annoncer une aide d’urgence de 22 millions d’euros pour les secteurs touchés. Le SPIAC sonde actuellement le milieu pour faire remonter les situations et évaluer les conséquences pour chacun des métiers concernés.
Photographie
Les mesures de confinement se répercutent sévèrement sur l’activité des indépendants. La situation est grave et les quelques mesures dictées dans l’urgence par Bruno Le Maire ne rassurent pas vraiment. Si certains artisans peuvent théoriquement continuer leur activité sous réserve de se plier aux gestes barrières, en pratique, c’est très compliqué. La majorité des photographes sont en fait confinés chez eux, les shootings étant annulés. Certains en profitent pour rafraîchir leur site ou poster de nouvelles photos sur Malt ou encore s’inscrire sur Frames Dealer. Les seuls autorisés à sortir sont les photojournalistes. Pour limiter les risques, ces derniers évitent de repasser à l’agence et traitent leur photos à domicile. A noter que les artistes-auteurs photographes devraient pouvoir bénéficier d’une aide jusqu’à 1500€ issue du fond de solidarité, selon Franck Riester.
Construction automobile - réparation
La crise économique dans l’automobile se doublant d'une crise sanitaire, celle du Covid-19, auront eu raison du Salon de l’automobile, du moins dans sa forme actuelle. L’édition 2020 d’octobre est en effet annulée. Pour l’heure, plusieurs usines de production de PSA, Renault et Renault Trucks sont fermées jusqu’à nouvel ordre. Renault, en particulier, a mis à l’arrêt toutes ses usines en France. Les salariés sont mis en chômage technique. Chez PSA, on étudie un calendrier de reprise progressive et sécurisée. L’effet domino concerne maintenant les équipementiers de rang 1 comme Plastic Omnium, Faurecia et les sous-traitants de rang 2, les PME de la Vallée de l’Arve notamment. Les recrutements en cours sont logiquement suspendus dans l’attente d’un retour à la normale. Pour le secteur de la vente et de la réparation automobile, l'arrêté du 23 mars impose la fermeture de tous les commerces, à l’exception de ceux présentant un caractère indispensable. Le secteur de la vente est directement concerné par la fermeture. Toutefois, les pouvoirs publics ont prévu de laisser les ateliers de réparation automobile ouverts. Les ateliers artisanaux doivent normalement cesser l’activité. La majorité des salariés sont en chômage partiel.
Sécurité privée
Ce n’est pas facile actuellement pour les entreprises de sécurité privée. Les besoins émanent surtout de la grande distribution. Les entreprises et les particuliers les sollicitent aussi plus que de coutume pour la surveillance des locaux et des résidences qui représentent des cibles pour les cambrioleurs. Les syndicats ont demandé des dérogations aux restrictions de confinement pour leurs agents. La question du renouvellement des cartes professionnelles (durée de validité) pour les agents concernés est réglée par une mesure de prolongation. À noter que certains organismes proposent des formations en ligne. Les recrutements ne sont pas totalement à l’arrêt.
Commerce - Distribution
Selon LSA, les usines et magasins alimentaires tournent à plein régime, drive, e-commerce et livraisons de première nécessité connaissant même des pics inédits. Les plateformes de distribution chargées d’approvisionner les magasins recrutent actuellement des intérimaires pour faire face à la demande. Les offres d'hôtesses de caisse ont bondi. En revanche, les enseignes d’habillement, d’équipement de la maison et de bricolage sont fermées. Une dérogation permet toutefois aux distributeurs de bricolage comme Leroy Merlin, Castorama, Bricomarché d’être ouverts en Drive, mais uniquement pour des achats indispensables et avec un protocole strict. Les premières victimes de la crise sanitaire sont les enseignes déjà fragilisées. Ainsi, André vient d'être placé en redressement judiciaire et Orchestra, spécialiste des vêtements pour bébés, n'est pas non plus à l’abri d'une faillite. Les seuls à tirer leur épingle du jeu, ce sont les petits commerces de proximité, en milieu rural notamment (jusqu’à +40%).
A suivre !…