Publié le 06/02/2018
Par Rémy Dréano.
Le secteur de la grande distribution est en pleine mutation et il est difficile de prévoir le modèle de demain.
Cela commence par des rapprochements (Casino avec Intermarché, Système U avec Auchan, Carrefour avec Cora, Les Mousquetaires avec Bricorama), puis l'on s'attaque à la réorganisation des entrepôts logistiques pour finir par l'annonce de suppressions de postes, souvent massives.
C'est le cas chez Carrefour qui connait une érosion de ses ventes et qui n'a pas d'autre choix que de restructurer pour ne pas devenir une proie facile pour de concurrents extérieurs comme Amazon Go ou le groupe américain Costco qui a ouvert son premier club-entrepôt dans l'Essonne. Ce dernier aurait, dit-on, des visées sur le groupe Carrefour.
La période est aux économies, les hypers devant se réinventer pour s’adapter aux nouveaux modes de consommation et aux clients qui veulent tout, tout de suite, et au meilleur prix. Pour commencer, cela passe la fermeture ou la réorganisation des magasins les moins rentables et des entrepôts logistiques vieillissants, ce qui se fait généralement en taillant dans les effectifs. Le groupe Carrefour ne peut plus différer sa restructuration. 25% du personnel est aujourd'hui visé par un plan de suppression de postes, en majorité des salariés des sièges administratifs et du réseau Dia. Un glissement vers la location-gérance s'amorce.
Chez Auchan, Leclerc et Carrefour, on surveille de près les nouveaux concepts qui se développent outre-Atlantique et notamment tout ce qui touche aux achats alimentaires en e-commerce. En France, peu acteurs sont prêts à s'engouffrer sur le e-commerce et l'on comprend l'hésitation à s'engager, notamment sur le frais. Ces dernières années, les enseignes ont plutôt misé sur le drive ou sur la franchise et sur l’ouverture de supérettes de proximité. On constate en effet un retour en force du commerce de proximité, même si le cyber achat continue de progresser. En grande agglomération, où le pas est déjà franchi, les grandes enseignes occupent le terrain avec leurs franchises de proximité comme Carrefour City, Monop’, Petit Casino, 8 à Huit. Il est vrai que le point de saturation est probablement atteint pour les hypers, ainsi que pour le hard discount et peut-être même pour le drive qui progresse encore mais modérément. Dans les grandes villes, les consommateurs sont moins enclins qu’hier à prendre la voiture pour se rendre dans un hyper. Pousser son caddie dans les dédales du magasin, patienter en caisse, phobie des parkings, tout cela finit par en incommoder certains. D’ailleurs, à Paris, nombre de jeunes couples urbains ne possèdent pas de voiture personnelle, la politique d'Anne Hidalgo visant d'ailleurs à les dissuader d'en acheter. Ce sont souvent ceux là qui sont en quête de qualité et d’authenticité et qui se tournent vers des solutions nouvelles (produits frais de petits producteurs en circuit court, produits régionaux de qualité, produits bio).
L'essor de l'alimentation bio est un sujet qui ne laisse pas indifférent les grandes enseignes et Carrefour, 1er distributeur en bio, n'est pas le dernier à s'y intéresser. Il est vrai que le développement des magasins bio et des épiceries zéro déchet (sans emballage) répond justement aux attentes d'une clientèle jeune et urbaine. Biocoop est, avec Natureo, l’enseigne la plus active du moment et Day by Day est la première chaîne à s’ouvrir sur le zéro emballage. Autant le savoir, derrière ces enseignes se cachent souvent des grands groupes de distribution. Ainsi, Naturalia dépend du groupe Casino. En tout cas, à Paris, c'est le modèle qui a le vent en poupe.
L’arrivée en France du groupe Américain Costco, qui est un peu l’équivalent d’un Métro ouvert aux particuliers, aura peut-être précipité la décision du groupe Carrefour. L'enseigne américaine a ouvert un premier entrepôt dans l’Essonne et d’autres ouvertures sont prévues en France. Les groupes de distribution nationaux ont bien tenté de bloquer ce concurrent potentiel en déposant des recours, sans succès pour le moment.
Ce qui fait dire à Mauricette, caissière au Carrefour Montreuil, et bientôt à la retraite "Même si nous ne sommes pas encore concernées, il y avait ce matin un piquet de grève par solidarité. On fait quand même notre journée de travail. Nous avons toutes entendu parler de la supérette sans caisses d'Amazon (une expérimentation aux U.S pour l'heure). Ça nous pend au nez... Un jour viendra où vous devrez vous dépatouiller sans nous, les caissières ! ..."