Publié le 31/03/2021

Elle a créé la ferme de ses rêves : Claire Genet, éleveuse de chèvres dans l'Yonne

Propos recueillis par Rémy Dreano.

Ce n’est pas si souvent que l’on parvient dans le monde réel à réaliser son rêve d’enfant. 

Claire Genet a pu réaliser le sien, celui d'avoir sa chèvrerie, une filière d'élevage qui compte plus de 5.000 exploitations, plus présentes en Nouvelle-Aquitaine et Auvergne-Rhône-Alpes.

« J’ai toujours voulu avoir des chèvres. A l'âge de 17 ans, je préférais passer mes vacances dans des élevages caprins pour aider. Amoureuse de ces bêtes, ces expériences ont conforté mon choix. Mais ici dans l'Yonne, les possibilités sont plus réduites que dans les Deux-Sèvres..."

Au sortir de sa formation d’ingénieure agronome à LaSalle Beauvais, Claire débute comme commerciale en nutrition animale et travaille pour différents Groupes agroalimentaires à Poitiers, puis à Rennes, des entreprises en lien avec Bleu-Blanc-Coeur, un label qui réunit 7.000 agriculteurs qui ont fait le choix de produire, récolter et distribuer dans le respect des animaux et de la terre.

En juin 2018, elle décide de revenir dans l'Yonne, à ses racines, pour y créer son propre élevage. Elle rencontre alors Alexis Nollet et Sébastien Becker, dirigeants de Mobil Wood et co-fondateurs d'Ulterïa, un écosystème créateur de valeurs pour l'homme et le vivant. Unique en son genre, ce projet ambitionne de regrouper, sur un terrain de dix hectares, Mobil Wood, une usine spécialisée dans l’agencement de magasins bio en bois massif, une exploitation maraîchère, une maison citoyenne, un centre de formation, une école Montessori et une ferme.  

"Créer des interactions entre l'agriculture et l'éducation, la création de valeurs pour l'homme et le vivant, tout cela me parlait. Au début, ils cherchaient un maraîcher, je leur ai proposé... des chèvres. Vous voulez une parcelle ? m'ont-ils dit et on s'est entendu..." 

Pour financer son projet, Claire Genet n'hésite pas à vendre sa maison rennaise. Tombée dans la marmite des réseaux sociaux, elle décide parallèlement de faire appel au financement participatif. Elle sollicite aussi deux prêts bancaires auprès d'Initiactive 89 et du Réseau Entreprendre. Un projet qui nécessite près de 600.000 euros d'investissement (terrain, bâtiment et ses aménagements, tracteur, machines à traire, etc..).

"Il faut aussi prévoir deux ou trois ans sans pouvoir se rémunérer " tient-elle à préciser.

Claire opte alors pour une construction neuve en bois, fonctionnelle, spacieuse et assez lumineuse pour permettre à ses 70 chèvres et à ses deux boucs de se sentir heureux et à leur aise. Et, des élevages caprins, elle en a vu tellement, du positif comme du négatif, qu'elle ne manque pas d'idées pour concevoir sa propre ferme, authentique et moderne à la fois..

"Le bâtiment a été construit par des artisans locaux et avec du bois du Morvan" précise-t-elle.

Tout a été soigneusement pensé, des ouvertures du bâtiment à l'isolation en passant par l’éclairage, la filtration des eaux usées (filtres à roseaux), tout ou presque est automatisé et les animaux ont accès à la prairie en toute liberté. Et c'est ainsi qu'ouvre en décembre 2019 la Ferme d'Ulterïa, contraction de Ulter (demain) et de Gaïa (la terre), Terre de Demain, un nom qui traduit un engagement pour le respect de l’environnement. 

Tout le nécessaire à l’alimentation des chèvres (foin, lin, maïs, orge, pois, lentilles, tourteau de colza, luzerne...) est d'ailleurs acheté auprès de producteurs locaux en bio. 

"Le but de l'alimentation animale est de valoriser les sous-produits de l'alimentation humaine. Elever des chèvres, c'est technique. J'ai beau avoir effectué beaucoup de stages, fait une école spécialisée et même un master manager d'entreprise, on apprend d'abord sur le terrain, rien ne remplace la pratique..". explique Claire.

Elle vend ses premiers fromages en décembre 2019 et la deuxième année de son installation, elle est élue Icaunaise de l'année. 

Consciente de la nécessité d'agrandir son cheptel et, pour permettre de concilier vie personnelle et vie professionnelle, Claire est passée de 70 à plus de 120 têtes, choyées par leur maîtresse. Depuis, elle a embauché une salariée et deux apprentis. 

Comme beaucoup de startupers, elle n'hésite pas à faire appel au parrainage pour développer son affaire. Ainsi, pour 100 euros, vous pouvez choisir de parrainer un chevreau à naître sur l'exploitation, lui donner un nom, ce qui donne aussi quelques privilèges....

Outre la vente en boutique, la ferme accueille régulièrement des écoliers enthousiastes à l’idée de caresser les affectueuses biquettes. Les écoles, c'est le volet éducatif du projet. Mais les chevreaux sont fragiles et c’est pourquoi le bâtiment a été pensé pour permettre aux visiteurs de voir les ruminants s’ébattre. Claire a tout prévu. Il suffit de prendre l’escalier en bois qui donne sur un promontoire avec sa vue à 360° sur la chèvrerie.

"Pour des raisons sanitaires, Il est préférable d'éviter les allers et venues là où vivent les chèvres. Il y a quand même des moments où les enfants peuvent caresser les chevrettes, dans les autres bâtiments. Chaque 1er samedi du mois, nous proposons aussi une ballade dans les collines... enfin ! dès que la Covid le permettra" s'empresse-t-elle d'ajouter. 

crédit photo : André Hulet

La gestion du domaine n’est pas exempte des contraintes et aléas que subissent les paysans parfois. 

Pleine de ressources, Claire a déjà d'autres projets, comme de planter un verger avec des variétés anciennes. Bientôt, visiteurs et touristes pourront profiter d’une aire de pique-nique pour permettre de déguster sur place ses fromages, faisselles, fromage blanc et yaourts. D'autres producteurs locaux en bio sont aussi mis à l’honneur en boutique (Sauvignon de Saint-Bris Goisot, cidre fermier Charlois, miel de Marrault, mini crackers de l'Atelier Sarrasin, confiture Trinquelinette...). On peut aussi trouver ses fromages dans les commerces locaux (Biocoop, épiceries...).  

Bref ! à la Ferme Ulterïa, vous trouverez tout ce qu'il faut pour accompagner la dégustation et réaliser les meilleurs accords aromatiques propres à rehausser la douceur de ses fromages, avec vue panoramique sur le vignoble de Saint-Bris, en prime...