Publié le 10/03/2016
Propos recueillis par Rémy Dreano.
Si le ralentissement économique affecte bon nombre de secteurs du fait du recul du pouvoir d'achat des ménages, celui de la décoration d'intérieur échappe encore fort heureusement au marasme actuel.
Les travaux d'aménagement sont généralement considérés comme des dépenses utiles et il est possible aujourd'hui de décorer son appartement sans y engloutir toutes ses économies. Les émissions de télévision comme "du côté de chez vous" ou "côté maison" contribuent à entretenir l'engouement. Aujourd'hui, tout le monde comprend l'intérêt de relooker un intérieur pour son bien-être personnel ou pour faciliter la revente d'un bien.
Décoratrice d'intérieur et pilote de chantier, Axelle Lamarque s'est inspirée des pays anglo-saxons, où la décoration est une tradition et où les particuliers font volontiers appel à des professionnels de la décoration pour réaménager leurs intérieurs...
"j'ai toujours aimé la décoration, la couleur, les matières, les objets déco... Connaissant mon intérêt pour le sujet, une de mes amies avait découpé un article de presse correspondant à ce que je souhaitais mettre en place. L'article parlait d'une anglaise, spécialisée dans le relooking d'intérieur, qui allait mettre ses talents au service du pôle décoration du Printemps Haussmann. Intriguée et intéressée par le concept, j'ai approfondi la question en menant des recherches sur internet. Le métier existait bel et bien en Angleterre, mais il était totalement méconnu en France." raconte Axelle Lamarque.
Après un Bac G2, Axelle croyait pourtant avoir trouvé sa voie en se lançant dans des études de droit.
"Mon maître de stage m'a vite conseillé de changer de voie. Selon lui, j'étais née pour être une commerciale, une femme de terrain. J'ai donc opté pour un BTS action commerciale, une formation où me suis d'ailleurs totalement épanouie..."
Axelle Lamarque se voyait plutôt en commerciale de terrain, en VRP de choc sillonnant les routes de France.
"j'ai postulé chez SEB, un job de commerciale terrain. Mais, à ma grande surprise, lors de l'entretien, les recruteurs m'ont proposé de former leurs équipes de démonstrateurs, un poste que l'on ne confie en général qu'à des commerciaux chevronnés et non à une jeune fille de 22 ans fraîchement diplômée. Je pense que c'est mon dynamisme, mon enthousiasme et ce coté leader qui avaient retenu leur attention. On m'offrait un bon salaire, une voiture de fonction, je ne pouvais pas refuser….et je ne l'ai jamais regretté " confie Axelle.
Pendant cinq années, elle formera des démonstrateurs aux techniques de vente pour les corners de vente des grands magasins, comme les Galeries Lafayette.
"En 1992, j'ai déménagé de Versailles à Senlis et c'est à ce moment que j'ai pris un congé parental de trois ans pour élever mon enfant. Pour autant, il était hors de question que je reste à la maison définitivement".
Axelle entre dans le groupe Etam, d'abord comme vendeuse, puis comme responsable de boutique. Elle y restera cinq ans. L'idée de monter une boutique de lingerie la séduit et elle entreprend alors des démarches pour un démarrage en franchise avec la marque Cannelle du groupe Auchan. Le projet ne verra pas le jour, les propriétaires du local se dérobant au moment d'apposer leur signature sur l'acte de cession de fonds de commerce. Le coup est rude pour Axelle qui, malgré sa déception, rebondit rapidement... Ce qu'elle ne sait pas encore, c'est que ces expériences additionnées lui seront fort utiles pour son futur projet.
"En 2002, après avoir lu cet article de presse, je me suis rendue à Beauvais à l'association "Le réseau", une BGE (boutique de gestion), pour obtenir des conseils en création d'entreprise. J'étais très déterminée à me lancer dans ce métier de relookeuse d'intérieur, un métier totalement méconnu en France à l'époque. J'y voyais l'occasion de démocratiser la décoration d'intérieur…je crois bien avoir été l'une des premières à me présenter comme telle…"
Axelle obtient 6000€ de prêts divers à taux zéro et se lance en statut libéral.
"A l'époque, il n'y avait pas de formation, c'était tout nouveau. J'ai commencé chez moi en me créant mon propre espace de travail..."
Son expérience de commerciale aidant, Axelle va se démultiplier sur tous les fronts : envoi de flyers, publicité sur son véhicule, participation au Salon de l'Habitat du Château de MontviIllargenne. Elle organise chez elle de petites expositions thématiques sur les arts de la table par exemple et ne manque pas d'y convier des élus, des personnalités locales. Elle créée des mises en scène, va au devant des gens et c'est à ce prix qu'elle obtient ses premiers chantiers.
"Ce sont mes clients qui m'ont conseillé de passer à la vitesse supérieure. j'avais commencé à me créer un réseau, j'avais des clients et je faisais du conseil, mais en même temps, je ne me sentais pas tout à fait légitime et je manquais un peu de confiance. C'est pourquoi j'ai suivi une formation de six mois en décoration d'intérieur aux Ateliers Grégoire (La Fabrique), tout en continuant de travailler. Cette formation n'a fait que conforter mes choix et mes certitudes" confie Axelle.
Dès lors, notre décoratrice d'intérieur sait qu'il lui faut ouvrir boutique pour avoir son propre show-room.
" Je me suis dit que si j'étais un client prêt à signer un gros devis, ma priorité irait à un décorateur ayant pignon sur rue. Le hasard - enfin je ne crois pas au hasard - a voulu que je trouve cette boutique sur mon chemin, une auto-école qui venait de fermer. J'ai fait l'affaire, une opportunité que je n'ai bien sûr pas laissé passer..."
Pour décorer sa boutique, Axelle applique les préceptes de son ancien métier de formatrice commerciale.
" Sur la vitrine, chacun doit trouver quelque chose qu'il aime, un objet de décoration, un papier peint qui accroche le regard, les photos d'un chantier avant et après travaux..."
Une vitrine qu'elle renouvelle tous les deux mois…Depuis peu, son espace compte quelques précieux m2 supplémentaires qui lui ont permis d'installer sa "matériauthèque".
"Décorer la vitrine, c'est un peu ma récréation, un moment de création et de détente au milieu des préoccupations plus terre-à-terre et plus stressantes du pilote de chantier" avoue-t-elle.
Décoratrice, mais aussi pilote de chantier...
"Bien sûr, je suis avant tout une créatrice d'ambiance et de bien-être. Mon travail consiste à trouver les éléments de décor au goût de mon client, les éclairages, le mobilier, la scénographie des espaces... mais pour le reste, je calcule les devis, je définis le cahier des charges en choisissant les artisans et professionnels qui seront nécessaires à mon chantier".
Ce qui implique de savoir mener des équipes. Des artisans plombiers, soliers, peintres, électriciens, carreleurs, architectes, graphistes 3D, triés sur le volet, et à qui elle sous-traite en fonction des nécessités du chantier.
Un métier qui oblige aussi à rester en prise avec les tendances de la décoration et d'anticiper les attentes du client.
Axelle vient de breveter son concept d'ateliers de bricolage, lancé en 2015 : les Ateliers d'Axelle qui surfe sur la mode du Do It Yourself.
"Dans le train, j'ai lu le livre de Jacques Attali "Devenir Soi". Sa lecture m'a poussé à aller de l'avant, à développer le concept des ateliers qui est en fait l'envers des travaux expliqué par des pros. J'ai développé un partenariat avec Point P qui m'assure une exclusivité des formations sur leur site. Les formateurs sont issus de mon propre réseau d'artisans. Ils interviennent le samedi uniquement au terme de leur semaine de travail, ce qui leur procure un revenu d'appoint…" explique Axelle.
"Tout le monde n'a pas les moyens de s'offrir les services d'un décorateur d'intérieur et j'ai voulu répondre à cette demande pour le Do it Yourself. Un cours dure de deux à trois heures et coûte environ 45€ de l'heure. Les participants, six au maximum, se voient offrir des bons de réduction chez nos partenaires. C'est aussi un moyen de gagner en notoriété et d'élargir mon réseau. Un client qui passe par les Ateliers d'Axelle est un client potentiel pour demain, sinon un relais de communication immédiat. En tout cas, le concept est mis. J'espère seulement trouver le temps pour le développer".
Et Axelle de donner quelques conseils à ceux que ce métier intéresse…
"C'est un métier où il faut aimer les gens. Il y faut beaucoup de psychologie, car on touche à l'intimité. On fait les choses pour autrui, ce qui suppose d'être à l'écoute, de rechercher les non dits, de ne pas brusquer, ni imposer. Mon métier est une bonne photographie de la société. On trouve des familles monoparentales ou recomposées, des célibataires et des couples sans enfant, des seniors qui se retrouvent seuls et qui ressentent le besoin de renouveler la décoration de leur lieu de vie pour se sentir en harmonie avec eux-mêmes. La décoration d'intérieur, c'est une manière de s'offrir du bien-être…"